L’interpellation du Gouvernement Nadingar
« Nadingar n’a pas convaincu », titre N’Djaména Bi-Hebdo du 7 novembre 2011. Interpellé le 2 novembre dernier sur la base des questions soulevées par le premier vice-président de l’Assemblée Nationale, Dr Kassiré Delwa Coumakoye, le premier ministre n’a pas convaincu, rapporte le journal. Kascou s’interroge sur l’envolée des prix des produits de première nécessité (y compris le carburant), les grèves simultanées des étudiants, des fonctionnaires, des ex-travailleurs de TCC, des retraités civils et militaires, des vendeurs de médicaments par terre, etc., et surtout de l’immixtion de l’exécutif dans le législatif. Au lieu de répondre aux questions, « Nadingar refait une seconde lecture de son programme politique adopté le 5 octobre dernier, saupoudrée par endroits de contrevérités distillées lors de sa dernière sortie médiatique », lit-on dans le journal. L’éditorialiste du journal traite les Tchadiens de « dindons de la farce ». Emmanuel Nadingar est venu à l’Assemblée Nationale réclamer l’appui de « toutes les institutions, associations et regroupements » se réclamant de la majorité présidentielle, poursuit-il. Il l’a obtenu car le président de l’Assemblée nationale a pris le soin de cadrer la séance dans un dialogue entre l’interpellateur et l’interpellé. Ainsi, il n’y a pas eu de débat ni de vote d’une motion de censure, comme l’auraient exigé les circonstances actuelles, déplore le confrère. Le député Kassiré, quant à lui, a profité de la tribune pour plastronner et proposer une « consultance gratis » au gouvernement alors que les bilans de ses deux passages à la primature ne sont guère éloquents, analyse le journal.
« Après Nadingar, Bakhit et Tabé… », annonce la Une de N’Djaména Bi-Hebdo du 13 novembre 2011. En effet, le 8 novembre dernier, le ministre de la sécurité publique, Abdelkérim Ahmadaye Bakhit et son collègue du Pétrole et de l’Energie, Tabé Eugène sont passés devant les élus pour s’expliquer respectivement sur l’insécurité et la structure des prix des hydrocarbures issus de la raffinerie de Djarmaya. Selon le journal, à propos de l’insécurité, le premier flic, aveuglé par son « succès » sur les kidnappeurs d’enfants bouviers dans la région du Mayo Kebbi Ouest (au temps où il était gouverneur) a minimisé le problème. Pour ce dernier, « le phénomène d’insécurité n’est pas l’apanage de notre pays seul (…). Croire à l’insécurité zéro relève de l’utopie ». Par ailleurs, fait remarquer le quotidien Le Progrès daté du 9 novembre, « l’Assemblée encourage Bakhit et Tirgo », respectivement ministre de la sécurité publique et directeur général de la police nationale, à lutter contre le braquage, le rapt et autres banditismes. Pour le ministre du Pétrole et de énergie a déçu les députés en ressassant les propos du premier ministre et du chef de l’Etat en affirmant : « les prix des hydrocarbures sont arrêtés d’un commun accord avec nos partenaires de la CNPCI. Le brut de Koudalwa appartient aux Chinois. Ces prix sont calqués sur les prix du brut au niveau international dont la tendance est à la hausse. Toutefois, nous avons des prix plus compétitifs que les prix officiels dans nos pays voisins ».
« Les élus attendent une baisse des prix », titre à sa Une Le Progrès du 9 novembre qui, citant l’auteur de la question orale, M. Abderaman Ahmat Borgou, relève qu’il n’y a pas eu de convention présentée préalablement à l’Assemblée Nationale, ni un business-plan permettant de prévoir les impacts du projet. Les élus estiment qu’on devrait tirer les leçons du pétrole de Doba pour mieux cadrer les retombées de celui de Djermaya, surtout au niveau social, relève notre confrère. L’auteur de la question demande au ministre de présenter les données réelles sur les négociations, du début jusqu’à l’aboutissement du projet, avec la vente des produits pétroliers et déplore que la partie chinoise détient plus d’informations fiables sur le projet que le Tchad. Il se demande enfin si les techniciens tchadiens ont été associés à la réalisation et à l’exploitation de la raffinerie de Djermaya, rapporte le Progrès. Enfin, le ministre du pétrole a annoncé, que le gouvernement est en négociation plus poussée avec la CNPCI pour arrêter de nouveaux prix, mais avertit-il les nouveaux prix oscilleront entre 400 et 500 F CFA, lit-on dans le Bi-Hebdo daté du 13 novembre. « Où est la différence ? », s’interroge le journal.
La grogne sociale
« La grève reprend le 9 novembre », annonce la Une de N’Djaména Bi-Hebdo du 7 novembre. A l’issue de leur Assemblée générale tenue ce 4 novembre à la Bourse du travail, « les grévistes rejettent les propositions d’IDI », lit-on dans ce journal. « Les syndicats refusent l’offre de Déby », informe l’Observateur du 9 novembre. Le compte rendu de la rencontre du Président de la République avec le Secrétaire général de l’Union des Syndicats du Tchad (UST), Adjia Djondang n’a fait qu’exacerber la colère peu contenue des grévistes, note le journal. Pour le président de la République, les 20 % proposés par le ministre des Finances sont à prendre ou à laisser ! Chiffres à l’appui, il fait l’état de l’incidence financière (2,5 milliards de FCFA) sur le budget qu’engendre la concession du gouvernement aux travailleurs. « Que les travailleurs ne se laissent pas tromper par les mirages du pétrole, car le Tchad ne gagne rien à part les 12,5 % de royalties sur la vente de son pétrole. Une bonne partie des revenus pétroliers (50 milliards de F CFA par an) est injectée dans la filière coton sous forme de subvention », explique le chef de l’Etat.
Pour le pétrole des Rôniers, le président Déby confie que le Tchad ne gagne que 14,5 % de royalties. Il affirme que c’est le pétrole des Chinois, car s’il avait de l’argent il n’allait pas demander aux chinois de construire la raffinerie, moins encore l’aéroport de Djarmaya. Il estime que l’Etat s’est beaucoup investi pour le salaire depuis 1990 (amélioration dues aux effets de la dévaluation ; dégel des avancements financiers). Il informe, par ailleurs, que les ressources hors pétrole ne font que 350 milliards par an, or la masse salariale est de 391 milliards. Chaque année, le gouvernement s’oblige à combler le gap. D’où puise-t-il le complément, lui renvoient des grévistes. Ce langage n’est pas celui de la vérité, lance un gréviste dans le Progrès du 7 novembre. Les grévistes proposent au gouvernement d’assainir la fonction publique comme cela se fait dans l’armée pour lui permettre de supporter l’augmentation des salaires. « A la fonction publique, c’est le nombre des fonctionnaires fictifs qui fait gonfler la masse salariale », explique un autre gréviste. Ces derniers demandent au gouvernement d’arrêter la construction de l’aéroport, rapporte le journal. Ils sont résolus continuer la grève pour obtenir la signature de la nouvelle grille salariale et son décret d’application avec effets rétroactifs, clament-ils. « L’UST et la CLTT reprendront la grève », car les syndicalistes rejettent encore l’augmentation de 20 % de salaire, après avoir suivi le compte rendu détaillé de l’audience accordé par le chef de l’Etat aux responsables syndicaux, informe le quotidien Le Progrès du 7 novembre.
Enfin, « des jours mouvementés en vue », prévient Notre Temps du 7 novembre. Au lieu de divertir les gens, les autorités doivent s’investir, résolument, pour juguler la crise, car le peuple a faim, propose ce journal. A propos de la crise sociale, la coordination des Associations de la société civile a adressée une lettre ouverte au Président de la République. Dans cette lettre, ils attirent l’attention du chef de l’Etat sur la cherté de la vie, la crise énergétique, l’accès à l’eau potable, à la santé et à un salaire acceptable, la crise à l’Université de N’Djaména, lit-on dans N’Djaména Bi-Hebdo du 9 novembre.
La grève de l’Union Nationale des Étudiants du Tchad (UNET)
« Revendication de bourse à l’Université de N’Djaména, la police disperse un sit-in de l’UNET », annonce le Progrès du 10 novembre. Revendiquant 6 mois d’arriérés de bourse selon eux, les étudiants ont organisé un sit-in sur l’Avenue Mobutu, juste devant le building de Sabangali abritant le ministère de l’Enseignement supérieur. Les usagers de cette voie sont déviés par les forces de l’ordre. Les étudiants tantôt assis tantôt débout, sous le soleil, exhibent des pancartes où on peut lire « Université à vendre », « six mois de bourse ou rien », « pas de bourse, pas de cours », rapporte le journal. L’arrivée du directeur général de la police ne les dissuade pas. Ils seront dispersés, 3 heures de temps après, par les forces de l’ordre à coup de gaz lacrymogènes. « Il n’y a pas de bourse. Tout a été payé », informe le ministre de l’enseignement supérieur dans une interview qu’il a accordée au quotidien Le Progrès. « Ce que les étudiants revendiquent provient de leur seule interprétation. On ne peut ériger une interprétation en un droit et éviter d’aller suivre les cours. En 2009, après deux mois seulement de cours, les étudiants ont déclenché une grève qui a duré quatre mois. Après, il y a eu deux mois de vacances. Ce qui porte le tout à six mois qu’ils revendiquent. Nous leur avons demandé quels sont les mois qui n’ont pas été payés, mais ils ont été incapables de nous répondre », lit-on dans le Progrès. « Le Ministère appelle à la reprise, les étudiants refusent » y va de son côté l’hebdomadaire Notre Temps du 7 novembre. Mais pour les étudiants, il n’est pas question de reprendre les cours tant que leurs revendications ne sont pas satisfaites, rapporte ce journal.
La refondation de l’armée
« Nés sur les cendres de l’ANI à Bongor », annonce la Une de l’hebdomadaire l’Observateur du 9 novembre 2011 en évoquant l’appellation officiers assimilés (OA) et sous-officiers assimilés (SOA). Le journal a prêté ses colonnes à un chef de Brigade à la retraite, M. Kemtar Paul, qui éclaire sur les origines de ces appellations, qui selon le chef de l’Etat n’existent nulle part ailleurs, sauf au Tchad. Selon lui, ces appellations sont nées de la rencontre en 1982 à Bongor, pour échanger sur la création d’une armée nationale intégrale. Il a été décidé que les militaires issus des maquis qui remplissent les fonctions d’officiers ou de sous-officiers jouissent de l’appellation officiers assimilés ou sous officiers assimilés. Cette appellation devrait s’appliquer seulement aux combattants qui le méritaient de par leurs fonctions militaires qu’ils exerçaient avant ou pendant la période entre la rencontre de Bongor et la publication du statut général de cette institution, rapporte-t-il.
Le confrère rapporte qu’avec la création des Forces Armées Nationale Tchadienne (FANT) de Hissein Habré, les nominations des militaires aux grades supérieurs faisaient place aux distinctions honorifiques qui sont sans incidences financières. Certains officiers des différents regroupements militaires revenus des maquis mettaient en poche leurs grades de sous-lieutenant, lieutenant ou capitaine et se faisaient reverser dans leur corps d’origine comme OA plus prometteur et plus bénéfique en poste de responsabilité et en salaires exempts de retenues. Ainsi l’OA et SOA ne payent ni l’impôt et ne cotisent pas non plus pour leur retraite, lit-on dans le journal.
Ces appellations sont entretenues par les multiples rebellions et leurs vagues de ralliement. Selon Paul Kemtar, toute tentative de supprimer ces appellations est considérée comme une remise en cause des accords entre le gouvernement et les politico militaires. Certains menacent de reprendre les armes si on essaie d’appliquer les mesures contre les assimilés. Le Tchad est fragile, la paix n’a pas de prix, entend-t-on dire ! Entretemps, les assimilés font valoir cette faveur en avantages administratifs et en solde. Enfin, ce chef de brigade à la retraite souhaite vivement que ces appellations, ne reviennent plus.
Béguy Ramadji Angèle