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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 19:18
6 mai 2014
par Christophe RIGAUD

Le régime tchadien est accusé par un mouvement d’opposition de collusion avec la secte nigériane Boko Haram. Simple ambiguïté ou réel soutien ?

Le président tchadien Idriss Déby Itno en 2014 – Foreign and Commonwealth Office – Creative Common

Le meilleur allié de la France au Mali, le président tchadien Idriss Déby, entretient-il des connexions avec la secte nigériane Boko Haram ? C’est ce que croit savoir M3F, un collectif d’opposants tchadiens installé en France. La présence d’Idriss Déby au Sommet de Paris sur la sécurité au Nigéria, après la prise d’otage de 276 lycéennes par Boko Haram, a fait bondir ces tchadiens opposés au régime de N’Djamena. Dans ce mouvement politique, on retrouve le fils d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, l’opposant tchadien mystérieusement disparu en 2008. Ce collectif, particulièrement bien informé, affirme détenir des informations permettant de démontrer « le soutien ou tout du moins une indifférence bienveillante d’Idriss Déby à la secte islamiste« .

Le financier de Boko Haram à N’Djamena ?

Que dit le M3F ?  Selon ces opposants, « les généraux nigérians ont sous-traité à Idriss Déby la logistique de Boko Haram dans son ascension, au début des années 2000« . « Au commencement, Boko Haram a élu domicile à N’Djamena« , affirme le M3F, « les réunions des membres de la secte se tenaient dans la capitale tchadienne et tous les financements étaient concentrés à N’Djamena« . Au coeur du système, les opposants tchadiens, dénoncent le rôle trouble de l’ancien gouverneur nigérian de l’Etat du Borno, Senator Ali Sheriff (de son vrai nom Ali Modu Sheriff), que tout le monde appelle SAS. « L’ex-gouverneur était présent tous les weekends à N’Djamena » expliquent-ils. Depuis, les relations entre SAS et la secte se sont détériorées. « SAS s’est retrouvé traqué par ses anciens alliés de Boko Haram, et obligé de leur verser, sur les conseils d’Idriss Déby, plusieurs dizaines de millions de dollars afin de sauver sa vie. Cette manne aurait visiblement servi au renforcement de la capacité militaire de la secte » confie le M3F.

Le Tchad base arrière de Boko Haram ?

Un autre personnage vient jeter le trouble sur les possibles liens entre le président tchadien et Boko Haram. Il s’agit de l’ancien comandant de l’ex-Séléka centrafricaine, Nourredine Adam. L’ancien commandant rebelle a toujours été présenté comme « l’homme de main » du régime tchadien au Centrafrique. Nourredine Adam a dernièrement effectué un voyage au Nigéria, « auprès de la secte » affirme M3F, « avant de se rendre à Amdjarass, le village natal du président tchadien« . Autre élément avancé par les opposants du M3F : une vidéo diffusée par Boko Haram présentant deux véhicules  blindés de type RAM-2000, de fabrication israélienne (voir photo). Or, selon M3F, « il s’avère que la seule armée de la sous-région disposant de tels véhicules est l’armée nationale tchadienne« . Le collectif parle ensuite d’unvillage camerounais du nom de Gong qui hébergerait un marché d’armes sur lequel « les Tchadiens vendent et les Nigérians achètent« . « Qui peut acheter des armes au Nigeria si ce n’est Boko Haram ? » se demande M3F. Enfin, il y a quelques mois le neveu d’Idriss Déby, Abbas Mahamat Tolli a été brutalement limogé du gouvernement. Selon M3F, « on les avait accusés de financer Boko Haram« .

Capture d’écran 2014-05-26 à 22.51.20

Les véhicules présentés par Boko Haram

« L’émergence de Boko Haram se trouve au Tchad »

Pourquoi le régime tchadien soutiendrait Boko Haram ? Pour ces opposants, « c’est un secret de polichinelle : la lutte contre l’islamisme est devenue une activité qui permet à tout pouvoir en manque de démocratie, de détourner l’attention et d’être toléré sans contrepartie« . Et de poursuivre : « s’il est considéré que Boko Haram est une création des généraux nigérians nordistes ayant échoué dans leur tentative de reprise du pouvoir politique au Nigeria, l’origine et l’émergence de ce mouvement se trouve être le Tchad d’Idriss Déby« .

« Cela ne prouve rien » selon une source proche de N’Djamena

Que penser de ces informations ? Si nous n’avons pas pu obtenir une réponse officielle de N’Djamena, une source proche du régime tchadien n’est pas étonnée par l’apparition de ce qu’il qualifie de « rumeurs visant à nuire au président Déby« . Sur la personnalité trouble de SAS, accusé d’être le financier de Boko Haram et du régime d’Idriss Déby, notre source affirme que SAS est maintenant recherché par Boko Haram, « preuve qu’il ne les finance pas et qu’il doit les combattre« . Concernant les véhicules exhibés par la secte, qui seraient d’origines tchadiennes, il pourrait ne pas s’agir de RAM-2000, mais d’autres véhicules « que Boko Haram aurait pu voler à l’armée nigériane ou à d’autres pays, cela ne prouve rien » selon notre source.

« Déstabiliser les pays limitrophes »

Qui croire ? Pour l’instant, difficile d’apporter des preuves irréfutables d’un soutien d’Idriss Déby à Boko Haram. Pourtant, ce qui inquiète, c’est l’évidente proximité qu’entretiennent la plupart des régimes de la région (Tchad compris) avec les groupes armés des pays voisins. Ces régimes croient ainsi qu’en « contrôlant » les rébellions de la région, ils se protègent de leurs propres oppositions. Idriss Déby a d’ailleurs été accusé d’avoir soutenu la rébellion de la Séléka en Centrafrique (via notamment Nourredine Adam). C’est d’ailleurs ce que dénonce le collectif M3F : « Idriss Deby prend un malin plaisir à déstabiliser les pays limitrophes, tantôt pour se débarrasser d’un pouvoir hostile, tantôt pour faire main basse sur ses richesses« .

Double jeu tchadien ?

La France est actuellement engagée dans un double conflit : au Mali, avec l’aide de soldats tchadiens et en Centrafrique où l’ONU cherche encore des troupes pour composer sa mission de casques bleus. François Hollande s’est ensuite engagé sur un nouveau front début mai, dans la lutte contre Boko Haram au Nigéria après l’émotion provoquée par la prise d’otages de lycéennes. Dans ses « guerres africaines« , François Hollande doit s’appuyer sur des alliés, les plus puissants possibles. Le Tchad constitue aujourd’hui une carte maîtresse dans le dispositif militaire français avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Difficile donc de se passer de ce partenaire incontournable qu’est devenu Idriss Déby. Mais attention aux « pompiers-pyromanes » semblent dire les opposants tchadiens du M3F. François Hollande devrait se méfier de ses alliés, et notamment d’Idriss Déby. En Centrafrique, François Hollande l’a très vite compris, lorsque les violences ont débuté entre les anti-balakas et les ex-Séléka. Les milices de quartiers accusaient les soldats tchadiens, incorporés au sein de la Force africaine, de « couvrir » les exactions des ex-Séléka (musulmans comme eux). Déjà, le Tchad d’Idriss Déby était accusé de jouer double-jeu…

Christophe RIGAUD – Afrikarabia

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