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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 21:05

C’est le mardi matin vers 11 heures que la nouvelle épouse d’Idriss Deby, Amani Moussa Hilal est arrivée à Ndjamena  accompagnée d’une forte délégation de parents, amies et autres accompagnateurs. Une semaine auparavant, les préparatifs menés par les parents du marié se sont déroulés avec une effervescence et une mobilisation incroyables. Equipements dernier cri, décorations, rien n’a été oublié et rien n’était trop beau pour celle qui a sonné l’heure de la vengeance contre Hinda.

Déjà en état de choc depuis  fin novembre lorsqu’elle a été informée par son père de ce mariage, Hinda a préféré se replier à Paris, pour éviter les noces qui vont durer 7 jours  selon la tradition. Amani  a déjà reçu  les félicitations des familles des personnalités et hommes d’influence appartenant au clan  au pouvoir. Dans une ambiance de yous-yous et de jubilation générale, la famille Deby Itno  solde ses comptes avec Hinda et a choisi son camp.

Pour comprendre cette atmosphère de règlements de compte, il faut savoir qu’il ne s’agit pas d’une question liée à des relations difficiles qu’entretiendrait Hinda avec sa belle famille. Une chose somme toute classique sous nos tropiques.  Il est plutôt question de pouvoir, de pouvoir d’influence, d’accaparements de postes juteux, de mainmise totale sur l’octroi de marchés, d’enjeux financiers importants.

L’exercice de ses fonctions de première dame, sa passion pour le pouvoir, sa fascination pour les honneurs et avantages que lui procurait sa position particulière ont cristallisé autour de sa personne de nombreuses critiques, entre autres, dérives népotistes et pratiques patrimonialistes. La facilité avec laquelle elle s’imposa et écarta tout sur son passage, lui fit oublier que ce qu’elle détenait, n’était pas, à proprement parler, le Pouvoir ; qu’elle n’avait pas de Pouvoir et ne pouvait pas en avoir dans un pays où les hommes le conquièrent à la kalachnikov.

Faute d’avoir compris que tout ce qu’elle a pu faire, elle n’a pu le réaliser qu’avec l’assentiment, la complicité passive du chef, même quand elle s’est mise à engueuler des ministres en présence de Deby ou de recadrer des conseillers qualifiés de paresseux et inefficaces, ou même quand elle marcha sur les plates-bandes des uns et des autres, ou bousculer  les intérêts et positions occupés par les membres du clan, tout cela n’ a été possible que parce que cela arrangeait à un moment donné Idriss Deby. C’est aussi cela Idriss Deby, beaucoup de manipulations et une bonne dose de cynisme. Elle n’avait pas compris qu’elle n’avait pas de légitimité propre, et ce sont les lambris dorés du Palais rose qui lui ont fait oublier que sa place dans la société et dans son couple était, à quelque chose près, le reflet de ce que vivent les autres femmes tchadiennes. Idriss Deby, lui, ne l’a jamais ignoré car ne dit –on pas que la meilleure arme contre une femme est une femme, il vient d’en faire la démonstration.

Elle a exigé à son mariage que Deby divorce d’avec ses autres épouses. Ce qui fut fait et ce qui étonna le plus, ce n’était pas la satisfaction de ses désirs, mais plutôt le constat qu’elle n’avait aucune intelligence sociale et visiblement ne savait pas du tout, à qui, elle avait à faire.

L’ivresse du pouvoir l’a rendue arrogante et cupide. Elle symbolisait l’appétit matériel et la soif de pouvoir pour tous ceux qu’elle a balayé, ceux  qui ont perdu des positions financières importantes, et Dieu sait qu’il y en a dans ce Tchad, pays pétrolier. Elle  était aussi  l’usurpatrice pour tout ce monde, et ce  à plusieurs titres, d’abord par rapport au fait qu’elle s’est arrogé un pouvoir politique, ensuite, elle a empiété sur un domaine réservé celui du pouvoir et de l’argent, et enfin, outrepassant son rôle d’épouse, elle a même envahi le « territoire »  avec toute sa famille. Dans ce champ miné de la politique, elle fut grisée par son ascension fulgurante, elle crut qu’elle était un centre de décision, de pouvoir. Elle  pensa que sa visibilité dans l’espace politique était un témoignage de l’importance de  son influence politique, aussi organisa t-elle son omniprésence ; clips de propagande, chants à sa gloire par le groupe Dombodjoya, affichages de rue, sa page d’activités dans le site officiel de la présidence etc..

Séduite avant tout par le système Déby, elle comprit qu’il était la clé de voute permettant une ascension fulgurante et une accumulation primitive et de grande ampleur de positions économiques lucratives ; un système dont la force a été de tisser une toile d’alliances qui parait indestructible, puisque basée sur les plus puissants liens : ceux de l’argent et de la parenté et dont elle profita allègrement avec sa famille. Et, c’est dans cette niche d’un pays social en ruine et d’une privatisation de la redistribution sociale que se sont arrimées les activités politiques de Hinda. Elle s’est investit dans l’appareil politique, proposant « ses » ministres ayant son réseau d’informateurs chargé de détecter les ambitieux afin qu’ils soient mis hors circuit.

Cible symbolique par excellence, elle n’avait pas compris qu’elle était  d’abord un instrument d’Idriss Deby qui fit le choix d’organiser sa montée en puissance pour mieux l’employer ensuite pour casser l’ ascension de personnalités politiques, de même qu’elle fut utilisée comme dérivatif, exutoire d’un malaise clanique. Mais, aujourd’hui, la voilà isolée, reléguée dans l’espace domestique, par la seule manifestation d’un autre désir du président sultan, une véritable descente aux enfers organisée par Idriss Deby qui  réussit à ressouder sa famille(Le Prince est bon, c’est son entourage qui est mauvais, n’est ce pas ?) Une famille qui est au cœur de sa stratégie politique, et désormais prête et acquise au devoir familial et politique de faire honneur et rendre tous les hommages à Amani Moussa HILAL. Celle-ci est le socle de sa nouvelle fusion politique avec le régime soudanais comme l’ a démontré encore sa présence à la cérémonie d’installation de l’Autorité Régionale pour le Darfour à El Fasher en présence des autorités qataries qui, à cette occasion, ont donné un financement de 2 milliards de dollars au Soudan en faveur de projets dans la région..

Le statut de première dame résulte du fait du prince, souvent les femmes ont été des proies, des trophées comme d’autres attributs et manifestations du pouvoir illimité du chef. Les femmes ont été aussi la manifestation d’un rapport de force brutal, si ce rapport repose bien entendu sur  la subordination de la femme, il ne la concerne pas seule et relève aussi de la gestion du pouvoir. On doit se souvenir que le régime d’Idriss Deby s’est illustré par l’utilisation des femmes comme instrument d’humiliation et de domination politique tant à l’égard d’opposants que de collaborateurs ou de rivaux potentiels (pratiques d’enlèvement de jeunes filles et de viols comme arme de guerre).Tantôt trophée, tantôt instrument d’alliance ou instrument d’humiliation, Idriss Deby avait compris que les femmes pouvaient  jouer un rôle important dans les rapports de compétition entre clans. Hinda, quant à elle, avait cru à cette fiction moderne du « couple présidentiel » alors qu’elle vivait dans une société ultra conservatrice et parfois littéralement bloquée par des archaïsmes où l’idée même du couple ne fait pas partie de l’univers conceptuel du tchadantropus qui est resté celui des sociétés médiévales où les femmes étaient des outils et non des acteurs politiques . C’est la conception  mais aussi la pratique politique d’Idriss Deby,  président sultan de son état. Faute de l’avoir compris à temps ou coupable d’avoir fermé les yeux sur la face hideuse de ce pouvoir, se contentant d’en profiter au maximum, elle en paie le prix aujourd’hui. Piquant et choquant, étonnant et désespérant, cynique et cruel épisode de la trajectoire d’une première dame qui s’est inscrite avant tout dans une stratégie d’opportunisme politique  et qui, croyant régner sur le Tchad, se voit détrôner par une femme qui n’y a jamais mis les pieds auparavant, parce que tel en a été le Bon Plaisir du Roi.

La Rédaction de Zoomtchad

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