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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 15:35

Depuis l’arrivée des islamistes au pouvoir, le Soudan est devenu la pièce maitresse de la nébuleuse islamo-djihadiste dans l’échiquier arabo- africain. Depuis l’indépendance, le Soudan, un pays à majorité negro-africain, est dirigé par les groupes Shagui, Djaali et Doungala. Cette élite arabisée et islamisée mais fortement métissée est issue (excepté les Doungala) d’un mélange des conquérants et des explorateurs arabes, turcs, perses, albanais et des populations noires locales. Une élite abâtardie, n’ayant aucune assise historique ou culturelle, qui a forgé sa propre identité « Shimali » à l’instar des afrikaners en Afrique du Sud. Elle a fait du Soudan un pays arabe et a forcé toutes les populations negro-africaines musulmanes à devenir arabe, et les populations chrétiennes du Sud, des étrangers dans leur propre pays. Toutefois, contrairement à l’apparence identitaire arabe, les Shimalis pratiquent une politique pernicieuse et ségrégationniste à l’égard des populations de souche arabe locale aussi bien à l’égard de celle négro-africaine de l’ouest (Kordofan et Darfour). Numériquement les Shimalis représentent à peine 20% de la population mais concentrent tous les pouvoirs (politiques, économiques, financiers) et les meilleures terres agricoles. Cette politique de développement séparé tant sur le plan humain que géographique est soutenue à bout des bras par tous les pays arabes, pour qui le Soudan est d’abord la fenêtre par laquelle on voit le soleil se coucher.

Depuis l’arrivée des islamistes au pouvoir sous la férule de Tourabi, le Soudan est devenu l’épicentre de la propagande et de la propagation de l’islamisme ; mieux, porté et soutenu par les monarchies du Golfe, le Soudan apparaît le principal oléoduc par lequel est évacuée toute la moisissure moyenâgeuse, rétrograde et réactionnaire de l’islamisme djihadiste wahhabite que ces mêmes monarchies cherchent à s’en débarrasser de chez elles comme des déchets toxiques. Ainsi à travers tout un tas des réseaux tentaculaires avec d’énormes financements, les monarchies du Golf exportent leur néfaste « théodiologie « de deux façons. 1) une façon soft : construction des mosquées, financement des prédicateurs dont la cible principale est l’islam sunnite soufiste, la création des nombreux « halagha », sorte « d’école du parti » dans chaque coin des pays du sahel, etc. 2) Création et financement des groupes djihadistes à travers des ONG, du Croissant rouge. On se rappelle que le Président de la plus puissante ONG, la « Dawa islamique internationale » est un soudanais, un ancien Président de la République.

Autour de cette politique d’évacuation ou d’exportation de la réaction « théodiologique » vers la périphérie, le Soudan joue le rôle de l’intermédiaire, le sous traitant par excellence. Tout est écoulé vers le reste de l’Afrique par le Soudan. Regarder une minute la carte du Soudan et vous comprendriez l’importance géostratégique du pays dans la mise en place de cette politique.

Rappelez-vous du rôle néfaste que le Soudan a eu à jouer pendant la sale guerre algérienne au début des années 90. En effet il était le principal pourvoyeur des armes et des combattants qui étaient formés militairement et idéologiquement dans de nombreux camps d’entrainement. Exacerbées, les autorités algériennes avaient alerté le gouvernement tchadien pour l’informer que le Tchad constitue le principal centre de transit des armes et des hommes en direction de l’Algérie et que le chef de ce réseau n’est autre que le tourabiste Imam de la grande mosquée. Pour amadouer les susceptibilités des algériens, le gouvernement tchadien a autorisé les algériens d’ouvrir des camps de formation de l’armée tchadienne dans l’Ennedi et dans le Biltine, lesquels camps ne sont en fait que des points de surveillance des mouvements des djihadistes dans l’espace sahélo-saharien.

On retrouve aussi le Soudan en Libye. Pendant que la coalition de l’Otan et les monarchies du Golfe menaient des raides à Tripoli et à Benghazi, il a été assigné parallèlement au Soudan une mission spécifique au sud libyen. Cette mission consistait à créer des cellules djihadistes, les former militairement et les encadrer idéologiquement et ensuite les déverser dans les rangs des rebelles. C’est ainsi que dès les premières heures de la révolte les soudanais ont ouvert un bureau de coordination dirigé par des agents de sécurité extérieure, lequel bureau accueillait plusieurs rotations d’avions transportant des matériels militaires en provenances du Golfe mais transitant par Khartoum.

Les élections sur la constitution tenues en Libye en 2012 ont montré les limites de l’emprise de l’islam militant dans la société libyenne, une société de tradition bédouine, où les pesanteurs sociologiques restent prédominantes dans la vie quotidienne de la population, en d’autres termes, le salafisme prôné par les djihadiste n’a pas pignon sur rue.

Devant le fiasco aux élections et le désarroi subséquent et pour éviter une implosion aux conséquences imprévisibles, il va falloir procéder rapidement à un redéploiement de la légion islamique ailleurs. L’hinterland sahélo-saharien africain est le terrain le plus propice du moment, d’où la guerre du Mali.

Comme dans les deux cas précédents, le bâton magique des monarchies a repris son rôle favori qui consiste à rabattre des hommes et des matériels au sud libyen à partir duquel ils seront acheminés au nord Mali. Les armes étant à suffisance dans le territoire libyen, c’est sur le côté humain qu’il faut agir ; ainsi, dans un premier temps on avait enrôlé de gré ou de force tous les résidus de l’opposition tchadienne qui ont refusé de rallier N’djaména et on a fini par compléter par les « shababs » somaliens. Il faut remarquer que ce qui se passe aujourd’hui à Gao – harcèlement constant de l’ennemie, attentats urbains et kamikazes des jeunes -sont des méthodes stricto sensu des « shababs» somaliens, des jeunes aguerris aux combats urbains.

L’intervention musclée, massive et salvatrice de la France vient de mettre un terme aux velléités expansionnistes des salafistes en direction du sahel occidental, alors il faudrait trouver d’autres terrains favorables.

Pendant longtemps les tenants de la Dawwa Al-Islamia considéraient le Tchad comme le pays du Sahel africain le plus ouvert et le plus propice à la propagation des théories réformistes prônées par les salafistes. Pour ce faire les monarchies du Golfe avaient toujours poussé le Soudan à agir dans ce sens, ce qui expliquait le soutien actif du parti et du gouvernement tourabistes au MPS et l’infiltration des nombreux tourabistes au sein du MPS dont le plus connu et le plus influent est le tonitruant, l’auto proclamé Président du haut Comité des Affaires Islamique du Tchad, Hissene Hassane. Mais deux éléments essentiels ont jusque-là estompé vaille que vaille les ardeurs des uns et des autres : 1) d’abord heureusement pour le Tchad (et malheureusement pour eux) Deby n’est pas un idéologue, il n’en a aucune ! De surcroît il est un mauvais musulman, on se rappelle de la petite histoire où de passage à la Mecque, il a refusé d’aller accomplir le rituel « Tawwaf », ce qui a énormément irrité les Saoudiens. Bref, Deby est un mauvais cheval, mais les monarchies ont continué à garder des bonnes relations avec lui, malgré la courte crise entre Deby et El Béchir par rebelles interposés. L’homme aime l’argent et les monarchies ont compris cela. C’est ainsi que Deby a été un des promoteurs de Boko Haram nigérian, il a été aussi l’intermédiaire entre les financeurs et les groupes djihadistes du Sahel africain en mettant des armes et des téléphones satellitaires à leur disposition ou en fermant les yeux sur le passage des narcotrafiquants par un sanctuaire bien rodé au nord du Tchad.

Ensuite le Tchad, à grande part de culture et de civilisation arabo-islamique a toujours pratiqué un islam modéré sous-tendu par le rite malékite et l’école Tidjani. Contrairement aux pays musulmans de l’Afrique de l’Ouest, au Tchad le syncrétisme religieux est très aléatoire pour ne pas dire inexistant ; inversement le wahhabisme est considéré comme une forme de mécréance.

Aujourd’hui, Deby, à son corps défendant est en train de combattre ces mêmes djihadistes avec qui il avait flirté. Ce qui est moyennement apprécié, c’est le moins qu’on puisse dire, par les monarchies du Golfe. Par ce fait, Deby vient de donner une occasion en or aux monarchies pour pousser leurs pions par la principale porte d’entrée du sahel à travers leur sous-traitant attitré, le Soudan.

Le Soudan, malgré sa situation de pays en faillite économiquement, financièrement et politiquement, s’efforce de continuer à jouer son rôle d’intermédiaire, sans quoi il déposerait le bilan dès lors qu’il est soutenu en perfusion par ces mêmes oligarchies.

De l’avis de beaucoup d’observateurs avertis, le Tchad sera indiscutablement la prochaine cible ; et il y a des signes manifestes qui ne trompent guère ! L’arrivée en masse des recalés du Mali dans les zones darforiennes anciennement occupées par l’opposition tchadienne en est un ; en effet il y a de cela deux semaines des rumeurs catastrophiques ont secoué les chancelleries de deux pays (Soudan, Tchad) faisant état de l’arrivée en masse au Darfour des djihadistes chassés par l’aviation française du Nord Mali ; ces rumeurs étaient tellement persistants que les diplomates européens auraient fait des démarches auprès du Ministère des Affaires étrangères soudanais pour vérifier la véracité des faits. Il ressort des recoupements que ces éléments des combattants djihadistes (tchadiens, shababs) qui n’ont pas pu regagner le Mali et qui étaient casernés à Koufra aux bons soins des soudanais.

Question : Pourquoi les soudanais les positionnent-ils au Darfour ? Le connaissant psychologiquement vulnérable, les soudanais manipulent Deby à leur guise ; quand ce dernier leur a posé la question, le pourquoi de la présence ces combattants au Darfour et plus précisément dans les anciens camps de Djandjawid à Elgeneina à 3Okm d’Adré, les soudanais, avec leurs amabilités légendaires, lui ont répondu qu’ils serviront de sanctuaire contre une éventuelle résurgences des rébellions de deux pays !

Texte traduit de l’arabe
Abdelmoutalib Adam AL-ABASSY
Journaliste indépendant

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