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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 21:01

         
 

"Une alternative." Relaxé jeudi matin dans le procès Clearstream, qui l'opposait à Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin n'a pas tardé à afficher la couleur. Le soir même, sur France 2, l'ancien premier ministre de Jacques Chirac s'est positionné en concurrent de son meilleur ennemi. Avec des accents gaulliens, il s'est donné pour mission de "participer au redressement du pays" en évoquant l'emploi, la compétitivité et l'endettement. L'appel du parquet, rendu public vendredi, n'a fait que le galvaniser. "De l'acharnement, de la haine", a-t-il insisté sur Canal+, en invoquant une réunion qui se serait tenue jeudi après-midi à l'Elysée. "Allégations mensongères", a rétorqué l'entourage de Nicolas Sarkozy. L'échange a glacé d'effroi la majorité. C'est comme si la guerre des droites reprenait, "Sarkozy/Villepin, c'est Chirac/Giscard avec ses haines cuites et recuites ; à l'arrivée ça ne donne rien de bon", déplorait un responsable de la majorité.

Le décor planté, quelle est la marge de manoeuvre de Dominique de Villepin ? A vrai dire faible. Haut en verbe, épique, dopé par l'adversité au point d'apparaître "allumé" ou, pour ses adversaires, carrément "fou", l'ancien premier ministre est en réalité très conscient des rapports de force. Jeudi, il s'est voulu une "alternative" au chef de l'Etat, mais pas encore un adversaire, prenant soin de se situer "au sein de la majorité" et restant flou sur l'échéance présidentielle de 2012. Pendant qu'il parlait, ses proches insistaient sur sa volonté de "proposer" plutôt que de "s'opposer". Etonnant ? Non, car ses relations avec Nicolas Sarkozy n'ont jamais été simples. En mai 2008, alors qu'il était en pleine préparation de son procès, Dominique de Villepin s'était exclamé entre deux tirades antisarkozystes : "Les meilleurs moments politiques, on les a passés ensemble !" Allusion à toutes leurs années de compétition, à l'ombre du double mandat chiraquien. Mais vendredi, après l'appel du parquet, c'était différent : "Un homme blessé, épuisé, qui veut sauver son honneur et est acculé au combat", soulignait un proche.

A 56 ans, Dominique de Villepin est déterminé, mais seul : successivement secrétaire général de l'Elysée, ministre, premier ministre, il n'a pas cultivé ses réseaux. Il reste comme en apesanteur, fasciné par le jeu politique et en même temps irréductible à ses règles. Malgré des pressions amicales, il a refusé de se faire élire député en 2007, au lendemain de son départ de Matignon. Ses soutiens au Parlement se comptent sur les doigts de la main. Dans le pays, des "Clubs Villepin" ont été lancés à l'été 2009 par Brigitte Girardin, l'ancienne ministre de l'outre-mer de Jacques Chirac, mais ils pèsent le poids d'une plume face à la machine UMP.

Quant au positionnement idéologique de l'homme de "l'alternative", il reste, pour les Français, difficile à identifier. Dominique de Villepin, c'est le ministre des affaires étrangères gaulliste qui, en février 2003, monte à la tribune de l'ONU pour dire non à la guerre en Irak. Mais c'est aussi le premier ministre libéral qui, en 2005, instaure le bouclier fiscal avant de se casser les dents un an plus tard sur le contrat première embauche. Cette tentative de flexibiliser l'entrée des jeunes sur le marché du travail avait fait descendre dans la rue des milliers de manifestants, et conduit le premier ministre à un recul peu glorieux. C'est à ce moment-là que Nicolas Sarkozy avait gagné le match présidentiel contre Dominique de Villepin : président de l'UMP, il avait tout fait pour obtenir le retrait de la réforme, dévitalisant son adversaire.

Manque d'enracinement électoral, de base politique, de réseaux, les politologues invoquent ces trois faiblesses pour prédire un chemin politique étroit à Dominique de Villepin. Sans compter que, à mi-quinquennat, d'autres acteurs ont déjà préempté le marché de "l'alternative" : Alain Juppé, l'autre héritier de la mouvance chiraquienne, en distance avec Dominique de Villepin, son ancien directeur de cabinet, tire régulièrement des salves contre la gouvernance et les réformes de Nicolas Sarkozy ; Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, cultive son franc-parler et ses réseaux dans l'enceinte même du Parlement ; à l'extérieur de la majorité, François Bayrou cherche à fédérer une "opposition progressiste" dans une critique radicale du régime. Où trouver sa place dans l'éventail ? Quel discours tenir ? Modéré, radical ? Le débat divise les partisans de Dominique de Villepin, tandis que l'ancien premier ministre peine à trouver la distance : un jour gaullien, planant au-dessus de la mêlée, le lendemain descendant en piqué sur le chef de l'Etat.

Reste que tout cela crée un climat, "une graine de division dans un terreau favorable", déplore un député de la majorité, abasourdi des proportions prises par l'affaire Clearstream. "De l'irrationnel pur", ajoute un autre, renvoyant dos à dos Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin. Ce qui est guetté jour après jour, ce n'est pas tant la force de proposition de Dominique de Villepin que le pouvoir de nuisance d'un homme blessé. "S'il se présente en 2012 et qu'il fait ne serait-ce que 4 ou 5 % des voix, il peut faire perdre son camp", s'alarme un élu. Rupture ou non, la droite a retrouvé ses vieux démons.

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