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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 19:38

C’est une longue lettre à en-tête de la Présidence de la République, de la Primature et du ministère de la Justice du Tchad. Datée du 10 février et signée par le Garde des Sceaux, Abdoulaye Sabre Fadoul, cette missive de trois pages est adressée via l’ambassade tchadienne à Paris aux sénateurs socialistes Gaëtan Gorce (Nièvre) et Jean-Pierre Sueur (Loiret), lequel préside en outre la Commission des lois de la Haute Assemblée. Voilà près de quatre ans que les deux élus français plaident inlassablement pour que la vérité éclate quant aux circonstances de la disparition de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh, selon toute vraisemblance enlevé et « liquidé », accidentellement ou pas, par les forces loyales à Idriss Déby Itno, chef d’Etat alors en butte à l’offensive de colonnes rebelles parvenues en février 2008 jusqu’au cœur de N’Djamena.

A l’évidence, le rédacteur de ce courrier supporte mal l’activisme du tandem sénatorial et le soutien qu’il apporte à la famille du disparu. Il l’accuse de « dénier à nos institutions leur droit absolu, exclusif et inaliénable à traiter une affaire intérieure » et de proférer des « affirmations péremptoires graves totalement inexactes », invoquant au passage les « incommensurables efforts » -pour le moins stériles à ce stade- déployés par son gouvernement afin de « faire toute la lumière » sur cet épisode. Il est question ensuite « d’instrumentalisation indécente », ou de « conclusions abracadabrantes », émises par ceux qui tendent à « s’ériger en justiciers ». En conclusion, le Dr Abdoulaye Sabre Fadoul exige « que cessent les interférences intempestives et certaines manœuvres d’intimidation » -qu’au demeurant il ne détaille nullement- et que soit respectées « la souveraineté et les institutions » du Tchad.

Un assaut épistolaire en appelant un autre, les deux parlementaires ont à leur tour pris la plume pour alerter, voilà deux jours, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé. Le duo Gorce-Sueur attire l’attention du patron du Quai d’Orsay sur une « procédure inédite » consistant « pour un membre éminent d’un gouvernement étranger, à interpeller directement des parlementaires d’un autre Etat au sujet de la manière dont ils exercent leur mandat et à les inviter à mettre un terme à leur action ». Il rappelle aussi que le sort d’Ibni Oumar Mahamat Saleh a fait l’objet d’une résolution de l’Assemblée Nationale, adoptée à l’unanimité en mars 2010 ; que N’Djamena a promis de mettre en œuvre les recommandations formulées par une Commission d’enquête internationale ; et que Nicolas Sarkozy s’est engagé par courrier, à plusieurs reprises, à œuvrer contre la primauté de la loi du silence et de l’oubli.

Le Forum Mondial de l’Eau, qui se tient à compter de lundi à Marseille, offrira au locataire de l’Elysée une excellente occasion d’administrer à son ami Idriss une courtoise piqûre de rappel. Et l’on voit mal dès lors comment l’hôte tchadien, qui séjourne paraît-il dans l’Hexagone depuis le 4 mars, pourrait cette fois noyer le poisson dans les eaux du Vieux-Port.

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