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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 23:15

L'avocat pénaliste Pacôme Yawovi Adjourouvi est le premier adjoint au maire d'Évry, au sud-est de Paris. Une étape qui fera peut-être de lui, un jour, le premier magistrat de cette ville.

Il a la cote, Pacôme Yawovi Adjourouvi. Lorsque Francis Chouat, nouveau maire d'Évry, a annoncé ce dimanche 3 juin qu'il devenait son premier adjoint, l'applaudimètre s'est emballé, couvrant en partie l'exposé des raisons de ce choix. « Il est important de montrer par des actes, tentait alors d'expliquer l'édile, que la République sait reconnaître le mérite et promouvoir la diversité. Pacôme incarne la promesse républicaine suivant laquelle le rêve français n'est pas une chimère. »

Ce sont peu ou prou les propos que tenait l'intéressé, deux jours plus tôt, dans le hall d'un hôtel où il nous recevait, l'oeil rivé sur un portable qui ne cessait de vibrer. Issu de la diversité, donc, avec un parcours personnel de docteur en droit et d'avocat installé à Évry. Mais ce natif de Noépé (à 20 km de Lomé) arrivé en France à l'âge de 18 ans pense aussi devoir sa promotion à l'amitié qui le lie à « Manuel » (l'ancien maire Manuel Valls, désormais ministre de l'Intérieur). Carrure de joueur de rugby, voix de baryton, triomphe modeste, Pacôme Adjourouvi se dit conscient de l'immense défi qui l'attend. Jusqu'ici conseiller municipal (chargé de la citoyenneté, de la laïcité et de la démocratie participative), ­secrétaire de la section PS d'Évry (300 membres) et président du groupe des élus socialistes au conseil municipal, il pense avoir l'étoffe nécessaire pour coordonner la gestion administrative de la ville et la délégation des élus, et remplacer le maire au pied levé. Ce père de trois garçons se pose en artisan du « vivre ensemble » et revendique sa part dans le bilan du maire démissionnaire, réélu depuis 2001 avec plus de 60 % des voix (70,28 % en 2008). Manuel Valls lui rend d'ailleurs hommage pour la désormais traditionnelle cérémonie d'accueil des Français nouvellement naturalisés, qu'il a instaurée. Lucide, Adjourouvi avoue qu'il lui sera difficile de concilier rôle politique et activité d'avocat.

Un paradoxe pour ce passionné de natation - il s'échappe toujours entre deux audiences pour piquer une tête - qui se rêvait enseignant et avait reçu pour seule recommandation parentale de se tenir éloigné de la politique. Pour cet amoureux des plaines de Kwépa et des failles d'Alédjo (nord du Togo), qui l'apaisent, la fibre politique se manifeste en 1986, en réaction aux propos virulents de Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, contre les immigrés. Les humiliantes reconduites de clandestins à la frontière sont en totale contradiction avec l'idée qu'il se faisait de la patrie des droits de l'homme. L'étudiant en droit à l'université de Créteil milite alors en compagnie d'un certain Fodé Sylla, futur président de SOS Racisme. Et croise la route d'Harlem Désir. En résidence universitaire, il refait le continent jusqu'au bout de la nuit, le débarrasse de ses dictateurs corrompus et - déjà - de la Françafrique, poursuit ses discussions au sein d'associations comme le Club Diallo Telli, créé par l'avocat gabonais Serge Abessolo, adjoint au directeur de cabinet du président Ali Bongo. Les turbulences politiques l'empêchent d'envisager son retour. Il décide que l'action, c'est ici et maintenant. Lui qui flirte depuis belle lurette avec le PS épouse la France en se naturalisant parce qu'il compte s'impliquer dans sa vie politique et sociale.

Sa rencontre avec Manuel Valls est déterminante. S'il reconnaît avoir adhéré au PS sur les conseils de l'ex-secrétaire d'État socialiste Kofi Yamgnane, c'est l'actuel ministre de l'Intérieur qui l'a encouragé à se lancer dans l'action de terrain. Proche de Jean-Pierre Chevènement, il se retrouve en position éligible sur les listes des municipales dès 2001, à la faveur d'un accord entre membres de la gauche plurielle. Adjourouvi se rappelle avoir fait signer un document à Valls, « au cas où l'on oublierait ce que l'on s'est dit ».

À ceux qui lui reprochent d'avoir choisi la facilité, ce benjamin d'une fratrie de quatre oppose sa stratégie, qui consiste à accompagner politiquement le continent, même de loin. Il n'est pas peu fier d'être régulièrement reçu par le président Faure Gnassingbé, un ami d'enfance. Aux Togolais qui le soupçonnent de vouloir se servir de son poste comme d'un tremplin pour une carrière dans son pays d'origine, il rétorque que c'est un calcul qu'il s'interdit. « Même s'il ne faut jamais dire : "Fontaine je ne boirai pas de ton eau." » Dans la communauté togolaise, où il est estampillé timoré, on veille au grain. Une de ses amies d'enfance espère ainsi qu'il se montrera plus prompt à établir des certificats d'hébergement. Lui pense à répondre aux attentes de tous les Évryens. 

Jeuneafrique

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