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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 23:52

CCFD - Terre solidaire propose de renforcer l'encadrement de l'activité des multinationales en matière de respect des droits de l’Homme et de l’environnement:
 1) lever la séparation juridique entre les maisons-mères, leurs filiales et sous-traitants par l'instauration d'un régime de responsabilité du fait d'autrui;
2) renforcer le dispositif de transparence en matière d'information extra-financière;
3) instaurer des conditionnalités d'accès aux financements publics (procédures de diligence raisonnable en matière de respect des droits de l'Homme);
4) lever les obstacles procéduraux à l'accès à la justice pour les victimes (action de classe).

Qu'en est-il dans les programmes des candidats?


François Bayrou

Dans son programme «20 mesures pour redresser la France», janvier 2012
- Réarmement de la production française (page 6)
- Mise en place et promotion d'un Label made in France (page 9, propositions 15 et 16)

Dans le programme du MoDem «Le projet humaniste»
- Nous proposons enfin de conditionner l’accès aux marchés publics à des critères sociaux et environnementaux (page 16)
- Pour encourager le comportement responsable des grandes entreprises, introduire une norme comptable fondée sur la responsabilité
sociale et environnementale pour les grandes entreprises et réalisée par des agences indépendantes (page 47)
- L’Etat doit être un régulateur fort et solide de la vie économique (page 10)

L'analyse du CCFD
François Bayrou propose le «Made in France» comme solution aux délocalisations et pour «rapatrier» les activités de production en France, en opposant ainsi la production à l'étranger à la production française. Cette proposition, devenue «à la mode» (elle figure dans la plupart des programmes des candidats, de droite comme de gauche), ne pointe pas les failles du système économique actuel, caractérisé par le rôle central des groupes multinationaux dans la multiplication des échanges internationaux. Ainsi, François Bayrou ne traite pas des impacts liés à l’implantation d’entreprises françaises à l'étranger et n'aborde donc pas les raisons qui mènent les entreprises multinationales françaises à délocaliser dans des pays à faible gouvernance et respect des droits de l'Homme (non respect des travailleurs, dumping environnemental, absence de mécanismes d’indemnisation et de justice pour les victimes...). Soumettre les entreprises françaises aux mêmes règles contraignantes à l’étranger qu'en France serait, pourtant, compatible avec l’objectif de relocalisation.
Il ne précise pas les contours  du label «made in France», ni s'il concernerait des secteurs spécifiques. Or tous les secteurs de production ne peuvent être analysés de la même façon. Dans le cas du secteur énergétique, les ressources telles que le pétrole ou l’uranium ne sont pas présentes sur le territoire français. Dans celui du textile, la question peut être : comment rendre compétitives les entreprises françaises quand l’on connaît les salaires et conditions de travail des travailleurs des pays du Sud ?
Le programme du parti est plus proche des propositions du CCFD-Terre Solidaire, en réaffirmant le devoir de régulation qui incombe à l'Etat sur la sphère économique. Aussi, le MoDem propose l'instauration d'une norme comptable sur les aspects sociaux et environnementaux ainsi que l'introduction de conditionnalités à l'accès aux marchés publics.


Nicolas Dupont-Aignan

Ce qu'il propose
- «Les administrations devront acheter du "Fabriqué en France" et les produits importés seront soumis aux mêmes normes sanitaires et sociales que les produits français» (page 2, proposition 9)
- «Je propose d’instaurer une "action de groupe" à la française» (page 7, proposition 33)
- «Des droits de douane pour stopper la concurrence déloyale: le libre-échange déloyal provoque une course sans fin au moins-disant social, salarial, fiscal et environnemental. En effet, la France ne peut pas conserver ses acquis sociaux et environnementaux et être en concurrence avec des esclaves en Asie! C’est pourquoi nous rétablirons des règles commerciales équitables en mettant en place des droits de douane et des quotas» (page 2, proposition 8)

L'analyse du CCFD
Nicolas Dupont-Aignan fait de la production en France son cheval de bataille. Ses propositions concernent notamment la régulation du commerce extérieur de la France et de l'Europe afin de contrer la concurrence déloyale des pays à faible respect des droits des travailleurs. Comme les autres candidats promoteurs du «Made in France», Nicolas Dupont-Aignan ne précise pas comment il sera possible d'accorder ces mesures avec les obligations demandées par l'Europe et l'OMC en matière de commerce international. De surcroît, rappelons que l'Union européenne s'est dotée depuis plusieurs années d'un Système de préférences généralisé qui introduit des clauses sociales et environnementales dans les échanges avec les pays tiers. Un point à souligner: les «esclaves d'Asie» dont parle le candidat peuvent être aussi les sous-traitants d'entreprises françaises!
Notons que le CCFD-Terre solidaire propose également l'instauration de l'action de classe.

François Hollande

Ce qu'il propose
- «J’engagerai avec les grandes entreprises françaises un mouvement de relocalisation de leurs usines dans le cadre d’un contrat spécifique» (page 8, proposition 3)
- «Je proposerai également une nouvelle politique commerciale pour faire obstacle à toute forme de concurrence déloyale et pour fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale» (page 13, proposition 13)
- «Je mettrai en place un dispositif de notation sociale obligeant les entreprises de plus de 500 salariés à faire certifier annuellement la gestion de leurs ressources humaines au regard de critères de qualité de l’emploi et de conditions de travail» (page 19, proposition 24)
- «Je soutiendrai la mise en place d’une Organisation mondiale de l’environnement et d’une véritable gouvernance de la mondialisation autour du G20, des organisations régionales et des Nations unies» (page 36, proposition 57)
- «Je romprai avec la "Françafrique", en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité» (page 36, proposition 58)

L'analyse du CCFD
François Hollande propose (comme François Bayrou et Nicolas Dupont-Aignan) des règles commerciales pouvant faire obstacle à la concurrence déloyale d'autres pays. Il ne traite pas, cependant, du fait que les entreprises multinationales (y compris françaises) sont les principales actrices et bénéficiaires du dumping social et environnemental à l'origine de la distorsion de concurrence avec les pays du Sud. On ne retrouve pas de propositions visant à encadrer les activités des entreprises multinationales dans les pays du Sud.
Concernant la notation sociale des entreprises, le candidat reste centré sur l'enceinte salariale de l'entreprise. Or il serait pertinent que les consommateurs, les populations dont les droits et l'environnement ont été dégradés par une entreprise, soient impliqués dans ce type de notation. A préciser aussi qu'une notation «extra-financière» existe déjà, produite par des agences de notation privée, mais pêche en efficacité compte tenu de l'absence d'obligation en matière de transparence: sans informations fiables, précises et comparables il demeure difficile d'établir si une entreprise adopte des comportements responsables ou pas. François Hollande propose-t-il la création d’une agence gouvernementale pour la transparence et la notation sociale?
M. Hollande propose aussi, comme plusieurs autres candidats, la création d'une Organisation mondiale de l’Environnement, mais sans plus de détails quant aux mandats et aux moyens qui lui seraient attribués. Sera-elle dotée de moyens d'investigation pour établir les dommages environnementaux et sanctionner au même titre que l'OMC?
Enfin, le candidat socialiste souhaite «rompre» avec la Françafrique, mais ne précise pas si cela inclut les réseaux économiques et commerciaux (et donc les grandes entreprises multinationales françaises opérant en Afrique) qui ont façonné les relations entre la France et le continent africain.
A noter que le projet du Parti socialiste «Le  changement» et certains travaux préparatoires comme «Un nouveau pacte social pour l’entreprise» consacraient une place plus importante à la nécessaire régulation des acteurs économiques. Ces mesures n'ont à ce jour pas été reprises dans le programme électoral du candidat.


Eva Joly

Ce qu'elle propose
- «Les entreprises donneuses d’ordre et les maisons mères seront tenues responsables des dommages économiques, sociaux et environnementaux de leurs sous-traitants et de leurs filiales, en France comme à l'étranger. Les droits civil, pénal et commercial seront modifiés en ce sens» (page 23, proposition 5)
- «Instauration de la bioconditionnalité des aides publiques: aucune subvention ne pourra être versée pour des projets contraires aux objectifs environnementaux» (page 33, proposition 5)
- «Instaurer un droit à agir en justice pour un groupe de citoyens (class action)» (page 49, proposition 1)
- «La France soutiendra l’instauration d’une préférence sociale et environnementale aux frontières de l'Europe : les produits entrants sur le marché commun devront respecter les normes environnementales et les normes sociales internationales de l’Organisation Internationale du Travail» (page 37, proposition 5)
- «Création d’une Organisation mondiale de l’environnement dont les normes contraignantes seront supérieures à celles de l’Organisation mondiale du commerce» (page 39, proposition 2)

L'analyse du CCFD
Plusieurs des propositions d'Eva Joly sont similaires à celles du CCFD-Terre Solidaire. Elle propose l'instauration d'une responsabilité des entreprises multinationales pour les dommages provoqués par leurs filiales et sous-traitants.
L'instauration d'une «bio-conditionnalité» aux subventions publiques est une mesure intéressante qui pourrait en effet s'élargir aux droits humains.
Eva Joly propose également l'introduction de l'action de classe en France.
Elle partage deux de ses propositions avec d'autres candidats, à savoir, l'instauration de règles commerciales équitables pour faire face à la concurrence déloyale et la création d'une Organisation mondiale de l'Environnement, mais elle en donne plus de détail : des sources de droit international (OIT) serviront de référentiel pour l'instauration d'une préférence sociale et environnementale européenne (et non pas française) et « son » OME aura plus de pouvoir que l’OMC.

Jean-Luc Mélenchon

Ce qu'il propose
- «Les droits des salariés des entreprises sous-traitantes seront alignés vers le haut sur ceux des donneurs d’ordre» (page 2, chapitre 1)
- «Les aides aux entreprises seront soumises à des règles strictes. Elles seront modulées en fonction du niveau des exigences sociales et environnementales qu’elles respecteront» (page 7, chapitre 4)
- «Réformes de l’ONU et établissement d’une nouvelle hiérarchie des normes internationales fondées sur la primauté des normes sociales et environnementales» (page 10, chapitre 8)
- «Création d’un Tribunal international de justice climatique sous l’égide de l’ONU» (page 10, chapitre 8)
- «Le statut des grandes entreprises sera redéfini en tenant compte de leur responsabilité sociale» (page 9, chapitre 6)
- «Nous appuierons les projets comme "Yasuni ITT" fondés sur le principe de responsabilité commune pour l’intérêt général» (page 11, chapitre 8)

L'analyse du CCFD
Jean-Luc Mélenchon souhaite introduire plusieurs mesures de responsabilité sociale des entreprises. En particulier, il souhaite aligner les droits des travailleurs des sous-traitants sur ceux des salariés des entreprises donneuses d'ordre. Il ne précise pas toutefois s'il s'agit de sous-traitants opérant au-delà des frontières françaises. Si tel était le cas, il introduit une mesure pouvant effectivement décourager les délocalisations. Il souhaite aussi encadrer l'octroi de subventions publiques à des conditions strictes en matière sociale et environnementale, sans pour autant préciser quelles seront les référentiels utilisés pour la mise en place de tels critères.
En matière de gouvernance mondiale, le candidat du Front de Gauche va plus loin que les autres candidats, en proposant un Tribunal international de justice climatique sous l'égide des Nations unies. Il n'indique pas cependant si les entreprises multinationales seraient assujetties à ce nouvel organe international.
La référence au projet Yasuni en Equateur est originale: ce projet a ouvert la porte au principe de responsabilité commune pour l’intérêt général. Cependant, certaines des propositions demeurent  trop vagues pour en estimer la portée, et la proximité avec les propositions du CCFD-Terre Solidaire. C'est par exemple le cas pour la «redéfinition» du statut de grandes entreprises par rapport  à leur responsabilité sociale.

Dominique de Villepin

Ce qu'il propose
- «Instauration d’une TVA 3E: Emploi, Environnement, Exportations favorisant les produits sûrs et économes» (page 14, chapitre 4)
- «La fiscalité doit aussi renforcer la responsabilité des entreprises face à l’intérêt général. C’est le sens de la création d’une  part modulable de l’Impôt sur les Sociétés qui permettra de mettre l’intérêt général au cœur de la fiscalité en compensant les excès et en récompensant les efforts. L’emploi des jeunes et des seniors, la parité homme-femmes, la responsabilité  environnementale, les négociations salariales seront des conditions objectives de la modulation» (page 14, chapitre 4)
- «Un tiers des sièges des conseils d’administration et des conseils de surveillance des entreprises devront être détenus par des représentants des salariés» (page 17, chapitre 4)
- «Une loi pour garantir la liberté des médias en interdisant tout contrôle d’un média par un groupe industriel dépendant de la commande ou de la régulation publiques et en renforçant la protection des sources» (page 9, chapitre 2)
- «Faire baisser le coût de la production française par rapport aux importations» (page 14, chapitre 4)
- «Grenelle de l’énergie devant évoquer l’ensemble des questions énergétiques françaises et notamment la part du nucléaire dans la production électrique. Adoption par référendum de la politique énergétique de la France à l’issue de ce Grenelle de l’énergie, qui pourra être notamment la perspective de réduction de l’énergie nucléaire dans notre mix énergétique, à hauteur de 50% à l’horizon des prochaines décennies» (page 16, chapitre 4)

L'analyse du CCFD
Dominique de Villepin a recours à l'imposition, aussi bien l'impôt sur les sociétés que la TVA, comme outil de responsabilisation des entreprises. Il suit la même logique au niveau de la gouvernance d'entreprise, en proposant qu'un tiers des sièges des principales instances décisionnaires dans les grandes entreprises soit consacré aux représentants des salariés. Ce sont des propositions simples et plutôt acceptables (pour les entreprises), qui affichent une posture de l'Etat non régulateur, laissant la responsabilisation des acteurs économiques aux parties sociales et préférant utiliser l'impôt à des fins incitatives.
En matière de compétitivité, le candidat souligne que sans une baisse du coût du travail, la France et l'Europe ne tiendront pas face aux pays émergents.
Toujours dans l'ordre des nouveautés, le candidat de République Solidaire pointe l'épineuse question du conflit d'intérêt entre le pouvoir médiatique et les grands groupes français. 
Aucune des propositions du CCFD-Terre Solidaire n'est reprise à ce jour dans ce programme.

Nicolas Sarkozy

Ce qu'il propose
- «Nous veillerons à ce que l’aide publique au développement dans les pays émergents puisse avoir des retombées positives pour les entreprises françaises présentes à l’international», page 18
- «Nous souhaitons que ce principe de réciprocité dans les relations commerciales se traduise par la mise en place de "taxes réciprocité" aux frontières de l’Europe: la fiscalité sera modulée afin de corriger les phénomènes de concurrence déloyale de la part de pays n’ayant pas les mêmes normes sociales, environnementales, mais également économiques (contrôle des aides d’État…) que l’Europe. Ces "taxes réciprocité" intégreront notamment la "taxe carbone" aux frontières de l’Europe. Afin d’assurer leur conformité à l’OMC, ces taxes seront ciblées et liées à des conventions internationales identifiées (normes de l’Organisation internationale du travail, convention sur la diversité biologique, protocole de Kyoto, etc.)», page 20
- «Le comportement des administrations en la matière doit être exemplaire : la commande publique ainsi que l’attribution des aides publiques doivent intégrer systématiquement les critères environnementaux et énergétiques», page 9
- «Nous poursuivrons les initiatives pour donner naissance à une organisation mondiale de l’environnement», page 21

L'anlyse du CCFD
L'UMP affirme que l’aide au développement doit avoir des retombées positives pour les entreprises françaises qui travaillent à l’international.
Afin de corriger la concurrence déloyale, l'UMP propose l'instauration de "taxes de réciprocité", basées sur les normes internationales. Cette proposition ne précise pas la question des entreprises françaises qui ont recours à des travailleurs "bon marché" ainsi qu’à des pratiques de dumping environnemental dans les pays non-européens.
Le parti ne Nicolas Sarkozy propose de renforcer l'exemplarité de l'Etat par l'introduction de critères environnementaux et énergétiques dans les marchés publics et dans les subventions. Il est dommage qu'une telle mesure ne soit pas élargie aux questions sociales et sociétales.
Enfin, l'UMP à l'instar des autres partis, propose la création d'une Organisation mondiale de Environnement, sans pour autant en préciser les mandats ni les moyens.

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