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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 22:35
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  • Mohamed ElBaradei, candidat à la présidence égyptienne, vendredi, parmi les manifestants de la place Tahrir, au Caire.
    Mohamed ElBaradei, candidat à la présidence égyptienne, vendredi, parmi les manifestants de la place Tahrir, au Caire. 

    Le changement de premier ministre n'apaise en rien les manifestants.

    De notre envoyé spécial au Caire

    Mohamed ElBaradei se fraye un passage dans la foule. L'ancien directeur de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) et candidat à la présidence égyptienne est venu sur la place Tahrir pour la prière du vendredi matin. Il n'a prononcé aucun discours, mais son apparition rassemble un petit cortège de sympathisants et de curieux. Ils filment avec leurs téléphones tenus à bout de bras cet opposant historique à Moubarak, qui reste l'une des rares figures respectées de la scène politique égyptienne. Et encore, pas par tout le monde. Un islamiste barbu interpelle ElBaradei à son passage près de la mosquée Omar Makram, à la sortie sud de la place: «ElBaradei, où étais-tu pendant la révolution?» Un jeune homme lui rétorque: «Et toi, où étais-tu? Les islamistes n'ont pas fait la révolution! Vous n'avez pas cessé de répéter qu'il fallait obéir au pouvoir!»

    Le ton monte entre les deux hommes, jusqu'à ce qu'on les sépare. ElBaradei continue son chemin jusqu'à une voiture, monte à bord et disparaît.

    Hady, le défenseur d'ElBaradei, est un jeune directeur d'agence de communication. Lui et son frère Ahmad, étudiant en médecine, considèrent Mohamed ElBaradei comme l'un des seuls hommes politiques égyptiens à pouvoir assurer la transition vers un vrai système démocratique. «Il est le seul à savoir ce qu'est la démocratie. Il a été l'un des premiers à s'opposer à Moubarak et s'est toujours prononcé en faveur de la révolution. Il s'est opposé à l'invasion de l'Irak et n'a jamais trempé dans la corruption du régime égyptien», expliquent-ils.

    Une révolution, pas un remaniement !

    La nomination par le Conseil suprême des forces armées de Kamal el-Ganzouri comme nouveau premier ministre, après la démission d'Essam Charaf, a été accueillie avec indifférence par les manifestants de la place Tahrir. «On ne pourrait pas nous proposer enfin quelqu'un avec sa vraie couleur de cheveux?», ironisent des manifestants. Premier ministre sous Moubarak à la fin des années 1990, aujourd'hui âgé de 78 ans, el-Ganzouri manque de charisme, mais surtout apparaît comme un nouveau paravent pour l'autorité de la junte. La plupart des personnalités approchées pour le poste, dont ElBaradei, ont décliné l'offre, le CSFA restant le réel détenteur du pouvoir.

    «Nous voulons une révolution, pas un remaniement ministériel!, dit Ahmad Mansour, un homme d'affaires d'une cinquantaine d'années. Notre seule revendication est que le CSFA quitte le pouvoir. Et vite. C'est comme avec Moubarak. Plus les militaires attendent, plus ils tentent de gagner du temps et plus les demandes du peuple vont augmenter. Aujourd'hui, ils peuvent partir en paix. Dans quelques jours, on va demander qu'ils soient jugés.»

    La foule était toujours aussi nombreuse vendredi place Tahrir pour réclamer le transfert du pouvoir par les militaires à un gouvernement civil. Son absence de chefs, sa capacité à se mobiliser autour de mots d'ordres simples font de la Place Tahrir une formidable force d'opposition, impossible à corrompre et difficile à manœuvrer. Mais elle est nettement moins efficace en tant que force de proposition.

     

    «À qui le CSFA doit-il remettre le pouvoir? Euh… je ne sais pas trop», reconnaît «Dirty» Sharif, un jeune manifestant blessé par la police dans les violents affrontements de la rue Mohammed-Mahmoud, qui ont fait des dizaines de blessés et plusieurs morts cette semaine. «Tout ce que je sais, c'est qu'on ne veut pas de politiciens professionnels. C'est une révolution, non?»

    Des pétitions circulent dans la foule pour demander qu'un gouvernement de transition soit constitué autour de Mohamed ElBaradei, Abdel Fotouh, candidat à la présidence dissident des Frères musulmans, et Hossam Eissa, avocat et militant anticorruption.

    La rue Mohammed-Mahmoud, qui a servi de champ de bataille entre la police et les manifestants est calme à présent. L'armée a remplacé la police, érigé un rempart de blocs de béton haut de plusieurs mètres en travers de la rue, et des manifestants empêchent les plus excités de s'approcher pour éviter toute provocation.

    Nouveaux héros

    Les affrontements ont donné à la révolution égyptienne de nouveaux martyrs et de nouveau héros, dont les portraits géants décorent les lampadaires de la place Tahrir. Parmi les plus célèbres, Ahmed Harara, un jeune manifestant qui avait perdu un œil en janvier dernier, victime d'un tir de la police, blessé au second œil cette semaine et qui continue à manifester place Tahrir, totalement aveugle, guidé par des amis. Le «ramasseur de grenades», un manifestant anonyme photographié en train de relancer des lacrymogènes vers les policiers, devenu un héros de Facebook. Il y a aussi des figures détestées, comme ces deux policiers vus sur YouTube en train de tirer sur les manifestants au fusil à pompe, et dont les portraits au pochoir se sont répandus sur les façades avec la mention: «Recherchés».

    La situation égyptienne n'a jamais été aussi confuse. Le premier tour des élections législatives commence lundi dans un tiers des circonscriptions. Il doit s'échelonner en trois phases jusqu'au début du mois de janvier 2012 selon un système complexe. Pendant ce temps, la Place Tahrir continue son bras de fer avec le CSFA. «On a deux processus qui se déroulent parallèlement», explique Hicham Hakkam, membre du parti de la Justice, une formation libérale: «Le premier est politique et électoral; le second est révolutionnaire, et personne ne sait où il va s'arrêter».

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