Hassan* est de loin le plus grand de sa classe. A 17 ans, il est en CM2. Un retard lié à son passé de combattant au sein du Front uni pour le changement (FUC), groupe rebelle tchadien qui s’est rallié au pouvoir en 2007.
Grand, fin, très calme, des cicatrices plein les bras et un regard dur, Hassan raconte qu’il vient d’un village à l’Est du pays, proche de la frontière avec le Soudan. Il avait 10 ou 11 ans (le faible nombre d’enfants enregistrés à la naissance – 20% - explique que la plupart ne connaissent pas précisément leur âge) et était en CP quand des « malfrats sont venus prendre le bétail et assassiner des membres de la communauté ». Ces malfrats étaient, dit-il, des Zaghawas, l’ethnie minoritaire (2%) mais présentée comme toute puissante du président du Tchad, Idriss Déby Itno. Hassan est de l’ethnie Tama. « Je voulais venger le mal qu’on nous a fait alors je suis parti, avec d’autres enfants de la communauté, rejoindre la rébellion. » Comme ses frères avant lui, il a quitté ses parents sans leur dire au revoir et a rejoint les rebelles.
Très vite, Hassan a été nommé chef d’un petit groupe de sept « hommes ». Quand on lui demande s’il se sent l’âme d’un guerrier, il sourit. Au Tchad, combattre est valorisé. Il avait tout l’attirail du bon soldat : uniforme et AK47, qu’il a appris à manier avec dextérité et qu’il ne quittait jamais. « Mon arme était tout le temps avec moi. Il fallait toujours être prêt à protéger sa vie », explique-t-il. Il a « participé à plusieurs combats, dans le coin d’Abéché et même à N’Djamena », à 900km de là. Quand il ne se battait pas, Hassan passait son temps à patrouiller autour du camp de rebelles, ravitaillé en nourriture par les familles des soldats, et en armes par le Soudan.
Même s’il n’a pas été blessé pendant les combats, la souffrance était bien là : « Ma mère me manquait beaucoup. Et il fallait se déplacer à pied toute la journée. On n’avait pas le temps de préparer à manger et donc on ne se nourrissait que de dattes et de pistaches. Le soir, on dormait n’importe où. Quand on trouvait de l’alcool, on le prenait. Parfois, c’est la faim qui nous poussait à boire. Et on fumait aussi, mais moi j’ai arrêté ».
Hassan précise que, même s’il ne la regrette pas, la décision de partir du groupe rebelle n’était pas la sienne. C’est Mahamat Nour, le chef des FUC, qui a choisi de se rallier au gouvernement en 2007, en échange du poste de ministre de la Défense.
Reste que le jeune garçon est fier de son passé d’enfant soldat: « J’ai fait peur à mes ennemis, je n’ai pas fui, et ça apaise mon cœur ». Il demeure malgré tout insatisfait : « les problèmes de mon village n’ont pas changé, je n’ai pas pu les résoudre », explique-t-il. Pour cette raison, il conserve « toujours cette volonté de vengeance ». « Pour le moment », Hassan n’a pas envie de retrouver le groupe armé. « Je veux continuer l’école et apprendre un métier, celui de mécano », dit-il. Mais il prévient : « si les Zaghawas menacent encore ma communauté, je serai obligé de la défendre ».
* Le prénom a été modifié
Repères 7000 Le recrutement d’enfants dans les forces armées est considéré depuis 1998 (Traité de Rome) comme crime de guerre par la Cour pénale internationale
L’Unicef Tchad, qui a besoin de 5 millions de dollars cette année pour mener à bien ses programmes, prévoit l’organisation à N’Djamena, courant mars, d’une conférence régionale sur le programme DDR avec la participation de la Centrafrique, du Soudan et du Cameroun. |